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Dossiers : 2004-2006(IT)G

2004-4226(IT)G

ENTRE :

PRÉVOST CAR INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 4, 5, 6 et 7 septembre 2007 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable Gerald J. Rip, juge en chef adjoint

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me William I. Innes, Me Chia‑yi Chua et MMatthew Peters

Avocats de l’intimée :

Me Roger Leclaire, Me Ifeanyi Nwachukwu et

Me Daniel Bourgeois

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’égard des cotisations établies sous le régime de la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 13 juillet 2000, du 29 août 2001 et du 15 avril 2004, sont accueillis avec dépens et les cotisations sont annulées. Les avocats pourront être entendus sur la question des dépens.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2008.

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de juillet 2008.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2008CCI231

Date : 20080422

Dossiers : 2004-2006(IT)G

2004-4226(IT)G

ENTRE :

PRÉVOST CAR INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Rip

 

[1] La question en litige dans les appels interjetés par Prévost Car Inc. (« Prévost ») est de savoir qui était le bénéficiaire effectif de dividendes versés par Prévost en 1996, en 1997, en 1998, en 1999 et en 2001. Le terme « bénéficiaire effectif » se trouve au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume des Pays‑Bas (« Traité fiscal »)[1]. Prévost, société résidant au Canada, a déclaré et versé des dividendes à son actionnaire, Prévost Holding B.V. (« PHB.V. »), société résidant aux Pays‑Bas. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de Prévost, relativement aux dividendes susmentionnés, des cotisations qui se fondent sur la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et dont les avis sont datés du 13 juillet 2000, du 29 août 2001 et du 15 avril 2004[2]. Le ministre a établi les cotisations en tenant pour acquis que les bénéficiaires effectifs des dividendes étaient les sociétés actionnaires de PHB.V., dont l'une était résidente du Royaume‑Uni et l'autre résidente de la Suède, et non PHB.V. elle‑même. Lorsqu’elle a versé les dividendes, Prévost a effectué les retenues d’impôt prévues aux paragraphes 212(1) et 215(1) de la Loi. Selon l’article 10 du Traité fiscal, le taux applicable aux retenues d’impôt s’élevait à 5 pour 100[3].

 

[2] Dans ses réponses aux avis d’appel, l’intimée allègue que, suivant le paragraphe 215(1) de la Loi, l’appelante était tenue de retenir et de remettre à la Couronne une somme correspondant à 25 pour 100 des dividendes versés à PHB.V., mais elle affirme également – de manière facétieuse, pourrais‑je ajouter – que, [TRADUCTION] « heureusement pour l’appelante, le ministre a appliqué aux dividendes versés les taux d’impôt réduits de 15 pour 100 et de 10 pour 100 fixés respectivement dans la Convention fiscale entre le Canada et la Suède et la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume-Uni, même si ces conventions ne s’appliquaient pas ».

 

Faits

[3] L’appelante a été constituée en société sous le régime des lois du Québec et elle est résidente du Canada. Elle fabrique des autobus et des produits connexes au Québec et elle possède des installations pour les pièces et le service partout en Amérique du Nord. Le 3 mai 1995, ou vers cette date, les actionnaires de l’appelante se sont engagés à vendre leurs actions à Volvo Bus Corporation (également connue sous la dénomination Volvo Bussar A.B. et ci‑après désignée « Volvo »), société résidente de la Suède, et à Henlys Group PLC (« Henlys »), société résidente du Royaume‑Uni. Volvo et Henlys étaient parties à une convention d’actionnaires et de souscription (la « convention d’actionnaires ») intervenue le 3 mai 1995, selon laquelle Volvo s’engageait à constituer une société résidente des Pays‑Bas et à lui transférer subséquemment la totalité des actions de Prévost qu'elle avait acquises; les actions de la société néerlandaise seraient détenues dans une proportion de 51 pour 100 par Volvo et de 49 pour 100 par Henlys. Le transfert des actions de Prévost à Henlys aurait lieu après que Henlys eut obtenu le financement nécessaire pour sa part de l’acquisition.

 

[4] Le 12 juin 1995, ou vers cette date, les engagements pris le 3 mai 1995 ont été exécutés : Volvo a transféré toutes les actions émises et en circulation de Prévost à PHB.V. Volvo a ensuite transféré des actions de PHB.V. à Henlys de sorte que les actions émises et en circulation de PHB.V. étaient détenues dans une proportion de 51 pour 100 (51 actions de catégorie « A ») par Volvo et de 49 pour 100 (49 actions de catégorie « B ») par Henlys.

 

[5] La structure qui en résultait était la suivante :

Volvo Bussar A.B.

(Volvo)

SUÈDE

Prévost Car Inc.

(Prévost)

CANADA

100 %

Prévost Holding B.V.

(PHB.V.)

PAYS-BAS

49 %

Henlys Group PLC

(Henlys)

R.-U.

51 %

 

[6] Volvo et Henlys exerçaient toutes deux des activités dans le domaine de la fabrication d'autocars. Volvo fabriquait les châssis, et Henlys, les carrosseries. Prévost exerçait des activités dans le même domaine; elle fabriquait des carrosseries pour différentes sortes d'autocars ainsi que des caisses d'autocar. M. Tore Backstrom, vice‑président directeur pour l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud chargé des opérations de Volvo liées aux autocars, a précisé que la caisse est un autocar dépourvu de sièges, mais qu'elle peut être dotée notamment de parois latéraux mobiles permettant l'élargissement du véhicule et être convertie en autocaravane ou en autocar, pour les artistes en tournée, par exemple.

 

[7] Au début des années 90, Volvo a appris que les actionnaires de Prévost étaient disposés à vendre leurs actions. À cette époque, Volvo et Henlys cherchaient à étendre leurs activités au marché nord-américain et ils ont décidé d’acquérir Prévost par l’entremise d’une société de portefeuille.

 

[8] M. Backstrom a dit que Volvo et Henlys avaient constitué une société de portefeuille parce que leurs activités respectives touchaient à deux aspects différents de la construction d’autocars, soit la carrosserie et le châssis, et que [TRADUCTION] « nous voyions devant nous une voie bien tracée : la société devait prendre plus d’expansion afin d’englober d’autres activités et d’avoir une société de portefeuille […] pour partager nos connaissances ». Il a ajouté que Volvo, lorsqu’elle achète la totalité des actions d’une société, le fait [TRADUCTION] « très souvent » sans recourir à une société de portefeuille.

 

[9] Selon M. Backstrom, le choix d’une société de portefeuille néerlandaise s’expliquait très simplement. L’impôt a été pris en compte, mais il ne s’agissait pas là de l’élément primordial. Il a précisé que Henlys ne voulait pas d’une société suédoise et que Volvo ne voulait pas d’une société anglaise. Les deux voulaient une société résidant en Europe, à un endroit où mettre sur pied ce genre d’activités ne coûtait pas trop cher, et où il serait possible de faire affaire en anglais. Les choix possibles étaient la Suisse, le Luxembourg, la Belgique ou les Pays‑Bas, ce dernier pays étant [TRADUCTION] « très neutre ».

 

[10] Cependant, le cabinet Arthur Andersen & Co., à Rotterdam, avait recommandé que la direction et le contrôle effectifs de PHB.V. soient exercés aux Pays‑Bas afin d’échapper au fisc du Royaume‑Uni et de la Suède, et d’éviter d’autres problèmes fiscaux internationaux.

 

[11] Dans son témoignage, M. Backstrom a en outre déclaré que PHB.V. avait été constituée pour permettre à Henlys et à Volvo de poursuivre de multiples projets en Amérique du Nord. Le premier de ces projets était Prévost. Le deuxième devait être une société mexicaine, Masa. Il était initialement prévu que Henlys participerait à l’acquisition et que PHB.V. détiendrait les actions de Masa. Or, Henlys éprouvait à ce moment des difficultés financières. Elle avait la possibilité, [TRADUCTION] « pendant quelques années », de se joindre à Volvo dans l’entreprise mexicaine, mais elle ne l’a finalement jamais fait. M. Backstrom a affirmé qu’en réalité, Henlys est en situation de [TRADUCTION] « liquidation et […] n’existe plus ».

 

[12] La convention d’actionnaires prévoyait également, entre autres choses, qu'au moins 80 pour 100 des bénéfices de l’appelante et de PHB.V., et de leurs filiales, le cas échéant (sociétés collectivement appelées le « groupe de sociétés »), devaient être distribués aux actionnaires. Cette distribution était conditionnelle à ce que le groupe de sociétés dispose des ressources financières suffisantes pour satisfaire à ses exigences normales et prévisibles en matière de fonds de roulement au moment du paiement, à moins d’une entente contraire entre les actionnaires. Les sommes devaient être distribuées sous forme de dividendes, de remboursements de capital ou de remboursements de prêts. La distribution pour un exercice donné devait être déclarée et payée aux actionnaires [TRADUCTION] « dès que possible » après la fin de l’exercice. Le conseil d’administration de PHB.V. devait prendre des mesures raisonnables pour faire en sorte que des dividendes ou d’autres paiements soient déclarés par l’appelante ou que d’autres dispositions soient prises pour permettre à PHB.V. d’effectuer des paiements au titre d’un dividende ou d’un remboursement de capital, ou encore que les sommes prêtées par les actionnaires soient remboursées.

 

[13] Les administrateurs de Prévost étaient administrateurs de PHB.V. Ils discutaient fréquemment des affaires de PHB.V. aussi, et notamment des déclarations et des versements futurs de dividendes.

 

[14] Le montant des dividendes en question était versé par l’appelante à PHB.V., puis distribué par PHB.V. à Volvo et à Henlys conformément à la convention d’actionnaires.

 

[15] À l’occasion d’une réunion tenue le 27 novembre 1995, les administrateurs de Prévost ont confirmé que le dividende pour 1996 s’élèverait à au moins 80 pour 100 du bénéfice après impôt, et ils ont convenu qu’une [TRADUCTION] « marche à suivre [serait] rédigée afin de préciser comment tout cela [fonctionnerait] ». À une réunion tenue le 23 mars 1996, les prétendus actionnaires de Prévost ont convenu d’une politique relative aux dividendes selon laquelle [TRADUCTION] « à la clôture des comptes pour chaque trimestre, et sous réserve que la société dispose d’un fonds de roulement et d’un capital investissement suffisants, un dividende équivalant à 80 pour 100 des bénéfices non répartis nets après impôt doit être versé au plus tard à la fin du trimestre suivant ». Les administrateurs de Prévost devaient en outre, au cours d’une réunion qui serait tenue après la fin de chaque exercice, examiner l’opportunité de verser à titre de dividende une somme supérieure à 80 pour 100 des bénéfices non répartis nets pour la période. Le 23 mars 1996, les actionnaires se sont réunis et ont convenu qu’un dividende correspondant à 80 pour 100 des bénéfices non répartis pour la période du 7 juin 1995 au 31 décembre 1995 serait versé au plus tard le 30 avril 1996.

 

[16] C’est pour une raison bien précise que j’ai parlé, au paragraphe précédent, des « prétendus actionnaires » de Prévost. En effet, il est écrit au procès‑verbal de l'assemblée des actionnaires de Prévost tenue le 23 mars 1996 que les actionnaires présents étaient des mandataires de Volvo et de Henlys. Or, à ce moment, Prévost n’avait qu’un seul actionnaire, soit PHB.V. Une erreur identique figure dans une résolution prise par les actionnaires de Prévost le 15 août 1996 et signée par Volvo et Henlys. Il s’agit là à tout le moins d’une tenue négligée des documents de la société, mais cela pourrait également dénoter un problème plus important. Le procès‑verbal d’une assemblée des actionnaires de Prévost tenue le 9 mai 2002 indique toutefois que l’actionnaire de Prévost est PHB.V.

 

[17] La traduction anglaise de l’acte constitutif de PHB.V. s’intitule Incorporation of the Private Closed Company with Limited Liability Prévost Holding B.V. ([TRADUCTION] « Constitution de la société fermée à responsabilité limitée Prévost Holding B.V.) et est datée du 12 juin 1995. L’article 24 de l’acte constitutif précise comment les bénéfices doivent être répartis, et il renvoie à la convention d’actionnaires :

 

[TRADUCTION]

 

1. Le conseil de gestion peut mettre en réserve une partie des bénéfices accumulés, à la condition de se conformer aux dispositions prévues par la convention d’actionnaires.

 

2. Les bénéfices restant une fois la réserve mentionnée ci‑dessus constituée demeurent à la disposition de l’assemblée générale.

 

3. Les dividendes sont versés uniquement jusqu’à concurrence d’une somme ne pouvant excéder la valeur de la partie distribuable de l’actif net.

 

4. Les dividendes sont versés après l’adoption de comptes annuels montrant que leur versement est possible.

 

5. Le conseil de gestion peut, par résolution et à la condition de se conformer aux dispositions prévues au paragraphe 3, verser un dividende provisoire.

 

6. L’assemblée générale peut, par résolution, à la condition de se conformer aux dispositions prévues au paragraphe 3 et d’obtenir l’approbation du conseil de gestion, effectuer des paiements au titre d’une réserve, quelle qu’elle soit, dont le maintien n’est pas obligatoire en droit.

 

7. La demande de versement d’un dividende faite par un actionnaire se prescrit par cinq ans.

 

[18] Le recueil conjoint de documents contient des copies de résolutions du conseil de gestion de PHB.V. déclarant un dividende en faveur des actionnaires de celle-ci, soit Volvo et Henlys. Cependant, ce recueil conjoint de documents ne contient qu’une seule résolution du conseil d’administration de Prévost qui fait état d'une déclaration de dividende; cette résolution, qui est datée du 30 décembre 1996, déclare un dividende de 9 000 000 $ payable pendant le premier trimestre de 1997. Il y a aussi des éléments de preuve qui permettent de penser que certaines sommes d’argent ont été payées à PHB.V. avant que des dividendes n’aient été déclarés par les administrateurs de Prévost. Toutefois, au cours de son interrogatoire préalable, Cindy Kalb, fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada, a reconnu que l’intimée ne contestait pas le fait que les dividendes en question avaient été régulièrement déclarés par l’appelante et versés à PHB.V.

 

[19] Le 27 février 1996, M. Brian Chivers, directeur financier chez Henlys, a adressé une lettre à Volvo pour souligner à quel point il était important que cette dernière et Henlys s’entendent, avant la prochaine réunion des administrateurs de Prévost, sur la déclaration et le versement de dividendes à intervalles réguliers. Henlys insistait toujours sur le paiement rapide de dividendes parce qu’elle avait besoin de fonds pour le service de la dette qu’elle avait contractée pour financer son acquisition de Prévost ou, plus exactement, de PHB.V. À une occasion, 5 684 523 $ ont été transférés à Henlys à la suite d’instructions données par télécopieur par M. Chivers, sans qu’aucune résolution n’ait été signée par les administrateurs de PHB.V.

 

[20] Madame Lyne Bissonnette, trésorière de Prévost, était (et est toujours) responsable de la comptabilité et des finances chez Prévost. Elle a décrit comment l’argent était habituellement payé par Prévost à PHB.V. Elle se souvenait que le directeur financier de Prévost ou son vice‑président responsable des finances l’informait des dividendes déclarés par les administrateurs de cette société. En général, ces dividendes faisaient suite à des demandes pressantes de M. Chivers. Mme Bissonnette recevait par télécopieur des instructions précisant à qui elle devait faire le paiement. Elle vérifiait les sommes, puis elle informait Volvo et Henlys de la somme d’argent qu'on transférait.

 

[21] Le 2 avril 1996, une semaine après que les prétendus actionnaires de Prévost ont adopté la politique relative aux dividendes lors de la réunion du 23 mars 1996, M. Chivers a écrit à Prévost pour lui faire part de la politique en question et lui demander de verser un dividende pour la période du 7 juin au 31 décembre 1995. M. Chivers a informé Prévost du montant du dividende, soit 80 pour 100 des bénéfices, et il a donné pour instruction à Prévost de verser le dividende à PHB.V. une fois qu’il aurait transmis à Prévost les renseignements concernant le compte bancaire de PHB.V. Le 15 avril, il a fourni les détails relatifs au compte bancaire en dollars canadiens de PHB.V. Deux jours plus tard, Mme Bissonnette a envoyé à M. Chivers et à M. Hiller chez Volvo une note de service dans laquelle elle précisait le montant du dividende et le montant de la retenue d’impôt au taux de 6 pour 100 et leur faisait savoir que le dividende net avait été envoyé [TRADUCTION] ‹‹ télégraphiquement ›› à la Banque Nationale du Canada.

 

[22] La Banque Nationale du Canada a ensuite transféré le montant du dividende net à la Citco Bank Nederland N.V., soit le banquier de PHB.V. à Amsterdam. Le dividende a en fait été déclaré après que Prévost eut avancé à PHB.V. une somme égale au dividende proposé, moins la retenue d’impôt. On s’attendait à ce que le destinataire reçoive le paiement dans les 24 heures.

 

[23] Les cotisations visées par les appels ont trait à onze dividendes versés par Prévost. Le paiement de ces dividendes se serait fait d'une manière analogue à celle exposée dans les paragraphes précédant immédiatement le présent paragraphe, bien que des paiements aient également été faits après qu’un dividende provisoire eut été déclaré[4].

 

[24] À tous les moments pertinents, le siège social de PHB.V. se trouvait dans les locaux de Trent International Management (« TIM »), initialement à Rotterdam, puis à Amsterdam. TIM était affiliée au banquier de PHB.V., soit Citco Bank. En mars 1996, les administrateurs de PHB.V. ont signé une procuration en faveur de TIM, autorisant cette dernière à faire, sur une échelle limitée, des transactions au nom de PHB.V. La preuve ne permet pas de savoir en quoi consistaient ces transactions « limitées ». Puis, en décembre 1996, PHB.V. a signé en faveur de TIM une autre procuration l’autorisant à prendre les mesures nécessaires pour la signature d’ordres de paiement relatifs aux versements de dividendes provisoires devant être faits aux actionnaires de PHB.V.

 

[25] Pendant les années visées par les appels, PHB.V. n’avait aucun employé aux Pays‑Bas et ne semble pas avoir eu des investissements quelconques autres que les actions de Prévost.

 

[26] PHB.V. devait à l’occasion fournir à son banquier des documents en matière de « notoriété du client ». Dans ces documents, PHB.V. indiquait que les bénéficiaires effectifs des actions de Prévost étaient Volvo et Henlys, non PHB.V. elle‑même. L’appelante dit que les politiques touchant la « notoriété du client » portaient sur des questions liées à la lutte contre le blanchiment d’argent et à la réglementation des banques et visaient à déterminer de qui, en définitive, provenaient les fonds se trouvant dans un compte.

 

Traité et modèles de convention de l’OCDE

 

[27] S’appuyant sur les paragraphes 1 et 2 de l’article 10 du Traité fiscal, l’appelante a retenu un impôt de (six et de) cinq pour cent sur les dividendes payés à PHB.V. Du 30 juillet 1994 au 14 janvier 1999, les parties pertinentes des paragraphes 10(1) et (2) du Traité fiscal étaient ainsi rédigées :

 

1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

1. Dividends paid by a company which is a resident of a Contracting State to a resident of the other Contracting State may be taxed in that other State.

 

 

2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’État dont la société qui paie les dividendes est un résident et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder :

 

a) 5 pour cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes) qui détient directement ou indirectement au moins 25 pour cent du capital ou au moins 10 pour cent des droits de vote de la société qui paie les dividendes;

 

[…]

 

c) 15 pour cent du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas.

2. However, such dividends may also be taxed in the State of which the company paying the dividends is a resident, and according to the laws of that State, but if the recipient is the beneficial owner of the dividends the tax so charged shall not exceed:

 

 

a) 5 per cent of the gross amount of the dividends if the beneficial owner is a company (other than a partnership), that holds directly or indirectly at least 25 per cent of the capital or at least 10 per cent of the voting power of the company paying the dividends;

 

 

. . .

 

c) 15 per cent of the gross amount of the dividends in all other cases.

 

[28] L’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 10 du Traité fiscal a été remplacé par ce qui suit à compter du 15 janvier 1999 :

 

a) 5 pour cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes) qui détient au moins 25 pour cent du capital de la société qui paie les dividendes, ou qui contrôle directement ou indirectement au moins 10 pour cent des droits de vote dans cette société;

 

[…]

a) 5 per cent of the gross amount of the dividends if the beneficial owner is a company (other than a partnership) that owns at least 25 per cent of the capital of, or that controls directly or indirectly at least 10 per cent of the voting power in, the company paying the dividends;

 

 

. . .

 

[29] Le Traité fiscal est fondé sur le Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de 1977 (le « Modèle de convention ») de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE »). Le paragraphe 1 et le début du paragraphe 2 de l'article 10 du Modèle de convention et du Traité fiscal sont identiques sous réserve de l’emploi du terme « contractant » pour qualifier le terme « État » au paragraphe 10(2) du Modèle de convention de 1977[5]. Les alinéas du paragraphe 2 diffèrent, mais ils ne sont pas pertinents en l’espèce[6].

 

[30] Le paragraphe 2 de l'article 10 du Modèle de convention et du Traité fiscal exige que la personne qui reçoit les dividendes soit le « bénéficiaire effectif » ou, en anglais, le « beneficial owner » des dividendes. L’expression équivalente employée dans la version néerlandaise du Traité est « uiteindelijk gerechtigde ». Ces termes ne sont définis ni dans le Modèle de convention ni dans le Traité fiscal. Dans la version française de la Loi, on emploie généralement les termes « propriétaire effectif » ou « personne ayant la propriété effective » comme équivalents de l’expression anglaise « beneficial owner »[7].

 

[31] Le commentaire relatif à l’article 10 du Modèle de convention de 1977 de l’OCDE est ainsi libellé :

 

12. En vertu du paragraphe 2, la limitation de l’impôt prélevé dans l’État de la source ne s’applique pas lorsqu’un intermédiaire, tel qu’un agent ou autre mandataire, s’interpose entre le créancier et le débiteur, à moins que le bénéficiaire effectif ne soit un résident de l’autre État contractant. Les États qui souhaiteraient que cela soit formulé de manière plus explicite pourront le faire lors des négociations bilatérales.

 

Le Canada n’a pas entamé de négociations avec les Pays‑Bas en vue de rendre le paragraphe 2 de l’article 10 du Traité fiscal plus explicite.

 

[32] En 2003, les commentaires de l'OCDE concernant l’article 10 du Modèle de convention ont été modifiés. On explique aux paragraphes 12, 12.1 et 12.2 des commentaires que le terme « bénéficiaire effectif » figurant au paragraphe 2 de l’article 10 du Modèle de convention n’est pas utilisé dans une acception étroite et technique, mais doit être entendu dans son contexte et à la lumière de l’objet et du but de la Convention, notamment pour éviter la double imposition et prévenir l’évasion et la fraude fiscales. En ce qui touche les sociétés relais, un rapport du Comité des affaires fiscales de l'OCDE a conclu « qu’une société relais ne peut pas être considérée normalement comme le bénéficiaire effectif si, bien qu'étant le propriétaire du revenu dans la forme, elle ne dispose dans la pratique que de pouvoirs très limités qui font d’elle un simple fiduciaire ou un simple administrateur agissant pour le compte des parties intéressées ».

 

[33] En 1995, le paragraphe 2 de l’article 10 du Modèle de convention de 1977 a été modifié. Les termes « si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif » ont été remplacés par « si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l’autre État contractant ». (Le Traité n’a fait l’objet d’aucune modification correspondante.) On a en outre apporté un changement au commentaire afin de préciser que le Modèle de convention était modifié pour clarifier la première phrase du commentaire initial, ci‑dessus, qui a constitué « la position constante de tous les pays Membres ». La deuxième phrase du commentaire n’a pas été changée. En ce qui concerne les présents appels, les termes clés figurant dans les versions de 1977 et de 1995 du Modèle de convention de l’OCDE et du Traité fiscal sont « bénéficiaire effectif » et les expressions équivalentes employées en langues anglaise et néerlandaise.

 

[34] Le paragraphe 3(2) du Traité fiscal prévoit comment interpréter les termes non définis :

 

2. Pour l’application de la Convention par un État, toute expression qui n’y est pas définie a le sens que lui attribue le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la Convention, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente.

2. As regards the application of the Convention by a State any term not defined therein shall, unless the context otherwise requires, have the meaning which it has under the law of that State concerning the taxes to which the Convention applies.

 

Autrement dit, lorsque le Canada souhaite prélever son impôt sur le revenu, il faut donner aux termes qui ne sont pas définis dans le Traité fiscal le sens que leur attribue la Loi, dans la mesure où celle‑ci leur attribue un sens.

 

[35] L’article 3 de la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu[8] précise comment les termes non définis dans un traité fiscal doivent être interprétés :

 

3. Par dérogation à toute convention ou à la loi lui donnant effet au Canada, le droit au Canada est tel que les expressions appartenant aux catégories ci‑dessous s’entendent, sauf indication contraire du contexte, au sens qu’elles ont pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu compte tenu de ses modifications, et non au sens qu’elles avaient pour cette application à la date de la conclusion de la convention ou de sa prise d’effet au Canada si, depuis lors, leur sens pour la même application a changé. Les catégories en question sont :

 

a) les expressions non définies dans la convention;

 

b) les expressions non définies exhaustivement dans la convention;

 

c) les expressions à définir d’après les lois fédérales.

 

 

1984, ch. 48, art. 3.

3. Notwithstanding the provisions of a convention or the Act giving the convention the force of law in Canada, it is hereby declared that the law of Canada is that, to the extent that a term in the convention is

 

(a) not defined in the convention,

 

(b) not fully defined in the convention, or

 

(c) to be defined by reference to the laws of Canada,

 

that term has, except to the extent that the context otherwise requires, the meaning it has for the purposes of the Income Tax Act, as amended from time to time, and not the meaning it had for the purposes of the Income Tax Act on the date the convention was entered into or given the force of law in Canada if, after that date, its meaning for the purposes of the Income Tax Act has changed.

 

1984, c. 48, s. 3.

 

[36] Le paragraphe 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités (la « CVDT », énonce ce qui suit :

 

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

 

[37] Les traités fiscaux doivent être interprétés de façon libérale, de manière à appliquer les véritables intentions des États contractants[9]. L’objectif primordial consiste à découvrir le sens des termes concernés[10].

 

[38] Le paragraphe 3(2) du Modèle de convention de 1977 de l’OCDE ressemble au paragraphe 3(2) du Traité fiscal :

 

Pour l’application du présent Accord à un moment donné par un État contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue à ce moment le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique le présent Accord.

. . . [A]s regards the application of the Convention by a Contracting State any term not defined therein shall, unless the context otherwise requires, have the meaning which it has under the law of that State concerning the taxes to which the Convention applies.

 

[39] En 1999, le paragraphe 3(2) du Modèle de convention a été modifié de la façon suivante :

 

2. Pour l’application de la Convention à un moment donné par un État contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet État prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet État.

2. As regards the application of the Convention at any time by a Contracting State, any term not defined therein shall, unless the context otherwise requires, have the meaning that it has at that time under the law of that State for the purposes of the taxes to which the Convention applies, any meaning under the applicable tax laws of that State prevailing over a meaning given to the term under other laws of that State.

 

[40] La notion de « propriété effective » ou de « bénéficiaire effectif » n’est pas reconnue en droit civil québécois ni dans les pays de droit civil qui sont membres de l’OCDE. L’alinéa 248(3)f) de la Loi tente d’harmoniser le droit civil et la common law pour l’application de la Loi. Le paragraphe 248(3) énonce que, dans l’application de la Loi dans la province de Québec, l’usufruit, le droit d’usage ou d’habitation et la substitution sont réputés, dans certaines situations, être une fiducie. L’alinéa f) prévoit ceci :

 

f) les biens sur lesquels une personne a, à un moment donné, un droit de propriété, un droit de preneur dans un bail emphytéotique ou un droit de bénéficiaire dans une fiducie sont réputés, même s’ils sont grevés d’une servitude, être la propriété effective de la personne à ce moment.

(f) property in relation to which any person has, at any time,

(i) the right of ownership,

(ii) a right as a lessee in an emphyteutic lease, or

(iii) a right as a beneficiary in a trust

shall, notwithstanding that such property is subject to a servitude, be deemed to be beneficially owned by the person at that time.

 

Preuve d’expert

[41] L’appelante a fait témoigner plusieurs témoins experts pour expliquer le droit néerlandais ainsi que l’évolution des modèles de convention de l’OCDE et des commentaires sur ces modèles.

Monsieur van Weeghel

 

[42] Le professeur S. van Weeghel, qui est docteur en droit, a été témoin expert pour l’appelante. Il est professeur de droit et il exerce le droit fiscal aux Pays‑Bas. Au moment de l’audience, le professeur van Weeghel était associé au sein du cabinet d’avocats Linklaters, à Amsterdam. Il avait auparavant travaillé dans un autre cabinet d’avocats, Stibbe, à Amsterdam et à New York, notamment à titre de chef, droit fiscal. Il a été admis au barreau d’Amsterdam en 1987. Il a obtenu une maîtrise (LL.M.) en fiscalité à l’Université de New York en 1990 et un doctorat de l’Université d’Amsterdam en 2000. Il est professeur permanent de droit fiscal à l’Université d’Amsterdam. Le professeur van Weeghel a donné des conférences à plusieurs universités en Europe. Il a publié de nombreux articles sur des questions fiscales européennes et les traités fiscaux. Il est expert en matière de traités fiscaux néerlandais, de droit fiscal néerlandais et de recours abusif aux traités fiscaux.

[43] Le professeur van Weeghel a conclu que, en droit néerlandais, PHB.V. est le bénéficiaire effectif des actions de Prévost. Il s'est fondé en particulier sur l’interprétation donnée dans une décision de la Hoge Raad[11] (Cour suprême néerlandaise). Dans son rapport, le professeur van Weeghel expose de la manière suivante les faits et la ratio decidendi de cette décision :

 

[TRADUCTION]

 

[…] Le contribuable, un courtier en valeurs mobilières résidant au Royaume‑Uni, avait acheté un certain nombre de coupons de dividende détachés d’actions de Royal Dutch. Au moment de l’acquisition, les dividendes avaient été déclarés, mais non encore versés. Le courtier avait payé environ 80 pour 100 de la valeur nominale des coupons. Le dividende était versé au courtier, mais était assujetti à l’impôt de 25 pour 100 sur les dividendes – soit le plein taux prévu par la loi –, qui a été retenu par le domiciliataire. En vertu du paragraphe 2 de l’article 10 du traité fiscal intervenu entre les Pays‑Bas et le Royaume‑Uni en 1980, le courtier a par la suite présenté une demande de remboursement de 10 pour 100 du dividende brut. La partie pertinente de ce paragraphe est pour l’essentiel analogue au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention.

 

Le vérificateur de l’impôt a refusé le remboursement au motif qu’il fallait être propriétaire des actions pour obtenir le remboursement de la retenue d'impôt. La Gerechtshof, à laquelle le courtier en a appelé, a établi que le courtier avait acquis un certain nombre de coupons de dividende dont le montant était entièrement certain et était payable dans les jours suivant l’acquisition. Compte tenu de ces circonstances, la cour a conclu que le contribuable ne pouvait être considéré comme le bénéficiaire effectif des dividendes13.

 

La Hoge Raad a infirmé la décision de la Gerechtshof, statuant comme suit [traduction de la traduction anglaise du professeur Weeghel] :

 

Le contribuable est devenu propriétaire des coupons de dividende par suite de son achat de ceux-ci. On peut également présumer qu’à la suite de l’acquisition, le contribuable avait la libre disposition de ces coupons et que, après leur encaissement, il avait la libre disposition du produit. Lorsqu’il a encaissé les coupons, le contribuable n’a pas agi à titre de mandataire volontaire (zaakwaarnemer, SvW) ou pour le compte du mandant (lasthebber, SvW). Dans ces circonstances, le contribuable est le bénéficiaire effectif du dividende. Le traité n'énonce aucune condition voulant que le bénéficiaire effectif du dividende doive également être le propriétaire des actions. De plus, le fait que le contribuable a acheté les coupons à un moment où le dividende avait déjà été annoncé est dénué de pertinence puisque la question de savoir qui est le bénéficiaire effectif ne doit pas être tranchée en fonction du moment où le dividende est annoncé, mais bien en fonction du moment où le dividende sera payé.

 

S’appuyant sur l’interprétation donnée par la Hoge Raad, le professeur van Weeghel a conclu :

 

[TRADUCTION]

 

[…] une règle claire et simple se dégage. Une personne est le bénéficiaire effectif d’un dividende lorsque les conditions suivantes sont réunies : i) elle est propriétaire du coupon de dividende; ii) elle a la libre disposition du coupon; iii) elle a la libre disposition de la somme distribuée. On pourrait interpréter cette règle formulée par la Cour de manière à ce que reste entière la question de savoir si c'est en droit ou en fait, ou les deux, qu'il faut avoir la libre disposition du coupon ou de la somme distribuée. L’emploi des termes se rapportant au « zaakwaarnemer » et au « lasthebber » paraît toutefois exiger une interprétation stricte de la décision, c.‑à‑d. une interprétation selon laquelle cette liberté doit exister en droit. L’ajout de ces termes ne saurait être considéré comme une condition supplémentaire puisque le zaakwaarnemer et le lasthebber ne peuvent, par définition, avoir la libre disposition du dividende. Cet ajout doit donc être considéré comme une clarification des conditions de la libre disposition, et ni le zaakwaarnemer ni le lasthebber ne jouit, en droit, de la libre disposition.

_____________________________

13 Le contribuable avait soutenu que le libellé de l’article 10 était clair et que ni le texte ni la raison d’être de cette disposition ne justifiait l’existence d’une condition selon laquelle la personne qui reçoit le dividende doit également être propriétaire des actions.

 

[44] L’avocat de l’appelante a présenté des éléments de preuve selon lesquels l’Agence du revenu du Canada, ou son prédécesseur, et l’administration fiscale néerlandaise ne s’entendaient pas sur la question de savoir qui était le « bénéficiaire effectif » des dividendes reçus de Prévost. Les autorités néerlandaises estimaient que le « bénéficiaire effectif » était PHB.V. L’appelante a demandé l’aide de l’autorité compétente au sujet du terme « bénéficiaire effectif » employé au paragraphe 10(2) du Traité fiscal. Il y a eu quelques communications entre les autorités fiscales du Canada et des Pays‑Bas, mais, devant la divergence des opinions canadienne et néerlandaise sur la question de savoir si l’exigence de la propriété effective énoncée à l’article 2 de la Convention de 1986 avait une incidence sur les situations analogues à celles dont il s'agit en l'espèce, les autorités canadiennes ont mis fin au processus d’examen par l’autorité compétente.

 

[45] Le professeur van Weeghel a dit que, en droit néerlandais, PHB.V. serait considérée comme le bénéficiaire effectif des dividendes. Cependant, si PHB.V. était légalement tenue de transmettre les dividendes à ses actionnaires, elle ne serait alors pas considérée, en droit néerlandais, comme le bénéficiaire effectif des dividendes.

 

Monsieur Raas

 

[46] Le professeur Rogier Raas enseigne le droit européen en matière bancaire et en matière de valeurs mobilières à l’Université de Leyde, aux Pays‑Bas. Depuis 2000, il exerce le droit au sein du cabinet d’avocats Stibbe. Il agit en outre à titre de conseiller juridique auprès de sociétés et d’institutions financières pour les questions liées à la finance et à la réglementation. Le professeur Raas n’a pas témoigné. L’appelante a produit le rapport rédigé par ce dernier, et l’intimée ne s’y est pas opposée.

 

[47] Selon le professeur Raas, les dividendes reçus par PHB.V. relevaient du pouvoir en matière d’imposition du gouvernement néerlandais et, n’eût été l’exemption au titre de la participation accordée par celui‑ci à PHB.V., cette dernière aurait été assujettie à l’impôt néerlandais pour ce qui est des dividendes[12]. Malgré l’existence de la convention d’actionnaires intervenue entre Volvo et Henlys et les procurations données à TIM, PHB.V. elle‑même n’était pas tenue, par contrat ou autrement, de transmettre les dividendes qu’elle recevait de l’appelante. Dans tous les cas, les versements de dividendes devaient être autorisés par les administrateurs de PHB.V. en conformité avec les règles de droit et la pratique néerlandaises. Le professeur Raas a affirmé que la convention d’actionnaires et les procurations n’avaient aucune incidence sur le droit de propriété que détenait PHB.V. sur les dividendes.

 

[48] Le professeur Raas a résumé de la façon suivante les règles du droit des sociétés néerlandais applicables à la distribution des profits :

 

a) Sous le régime du code civil néerlandais, sauf prescription contraire, les bénéfices doivent être entièrement distribués aux actionnaires à la seule condition que les capitaux propres de la société demeurent plus élevés que la somme de son capital libéré, de son capital appelé et de ses réserves exigées par la loi.

 

b) Il est possible, dans les statuts constitutifs d'une B.V. néerlandaise, de déroger à l’obligation de distribuer les bénéfices, la majorité des B.V. choisissant de laisser les bénéfices annuels à la disposition de l’assemblée générale des actionnaires. Les actionnaires décident alors de la répartition des bénéfices entre les réserves annuelles et les dividendes à distribuer aux actionnaires.

 

c) Le conseil d’administration d’une B.V. néerlandaise peut verser des dividendes provisoires, par opposition à des dividendes de clôture, si ses statuts constitutifs l’y autorisent. Les dividendes provisoires deviennent des dividendes de clôture uniquement lorsque les actionnaires adoptent une résolution de fin d’exercice par laquelle ils déclarent un dividende annuel égal à la somme des dividendes provisoires ou lorsqu’ils adoptent les états financiers annuels pour l’exercice en question confirmant le caractère suffisant des réserves.

 

[49] Quant aux effets sur les pouvoirs de PHB.V. de la politique relative aux dividendes énoncée dans la convention d’actionnaires, le professeur Raas a conclu :

 

a) La politique relative aux dividendes énoncée dans la convention d’actionnaires ne soumet les pouvoirs du conseil d’administration de PHB.V. à aucune restriction qui est inhabituelle dans le contexte du droit néerlandais. Il est très courant que les actionnaires puissent exercer une influence appréciable sur la politique relative aux dividendes d’une B.V. néerlandaise.

 

b) À la différence de la situation qui existe en l'absence d'une prescription contraire ou de celle où les bénéfices annuels sont laissés à la disposition de l’assemblée générale des actionnaires de PHB.V., le conseil d’administration avait le pouvoir discrétionnaire, aux termes des statuts constitutifs et de la politique relative aux dividendes de PHB.V., de décider du caractère suffisant du fonds de roulement avant que des dividendes ne soient versés.

 

[50] L’intimée fait valoir que le professeur Raas a présumé, à tort, que PHB.V. avait une politique relative aux dividendes indépendante de celle du groupe de sociétés qui était énoncée dans la convention d’actionnaires et mentionnée dans les statuts constitutifs de PHB.V. L’avocat de l’intimée soutient que c'était plutôt le cas que le pouvoir discrétionnaire des administrateurs de PHB.V. de décider du caractère suffisant du fonds de roulement de cette dernière était inextricablement lié à la même décision prise par les administrateurs de Prévost. La condition énoncée dans la convention d’actionnaires en ce qui concerne le paiement de pas moins de 80 pour 100 des bénéfices après impôt du groupe de sociétés n’était restreinte que par la décision que prenaient les conseils d’administration de PHB.V. et de Prévost touchant le caractère suffisant, compte tenu des besoins normaux et prévisibles, du fonds de roulement du groupe de sociétés au moment de chaque versement d’un dividende. La politique relative aux dividendes de PHB.V., telle qu’elle est décrite dans le rapport de M. Raas, consistait en réalité en une résolution des prétendus actionnaires de Prévost – présentés comme Volvo et Henlys –, qui a été adoptée par le conseil d’administration de Prévost; cela a eu lieu, dans les deux cas, le 23 mars 1996.

 

[51] L’intimée affirme que, prises ensemble, la politique relative aux dividendes énoncée dans la convention d’actionnaires, les résolutions des actionnaires et des administrateurs du 23 mars 1996 ainsi que l’autorisation donnée dans les statuts constitutifs de PHB.V. de verser des dividendes provisoires délimitent l’étendue du pouvoir discrétionnaire des administrateurs de PHB.V. de déterminer les besoins de celle-ci en matière de fonds de roulement. Ce pouvoir discrétionnaire était purement théorique.

Monsieur Lüthi

[52] Daniel Lüthi, diplômé en droit, travaillait au Département des finances de la Suisse et il a négocié une trentaine de traités fiscaux pour le compte de ce pays. Il était en outre membre de la délégation suisse auprès du Comité des affaires fiscales (le « CAF ») de l’OCDE, membre du CAF, membre et président de la délégation suisse auprès du groupe de travail no 1 sur la double imposition de l’OCDE ainsi que membre du groupe consultatif informel de l’OCDE chargé d’étudier les questions fiscales internationales.

 

[53] L’avocat de l'intimée a contesté la qualité d’expert de M. Lüthi et s’est opposé à son éventuel témoignage parce que celui‑ci ne serait ni pertinent ni nécessaire. Je conviens avec l’avocat de l’intimée que plusieurs questions posées à M. Lüthi étaient des questions de droit, comme celle‑ci : [TRADUCTION] « Quel est le sens du terme "bénéficiaire effectif" qui figure au paragraphe 2 de l’article 10, intitulé "Dividendes", du Modèle de convention? » J’ai informé les parties que j’entendrais le témoignage de M. Lüthi et que je déciderais de son admissibilité une fois l’audience terminée. Cependant, j’ai par la même occasion fait savoir à l’avocat de l’appelante que je ne voulais pas que des questions de droit soient posées à M. Lüthi et j'ai suggéré que le rapport de M. Lüthi soit modifié par la suppression de toutes les questions de droit et de l’opinion de M. Lüthi sur celles‑ci. Cela a été fait.

 

[54] Je conclus que le reste du rapport du M. Lüthi est acceptable; il s'agit pour l’essentiel du souvenir factuel d’événements qui se sont produits lors des discussions et des négociations liées au Modèle de convention de l’OCDE. Son résumé des déclarations et des rapports de l’OCDE qui ont été mis en preuve ne constitue pas une opinion juridique. Si j’ai permis à M. Lüthi de témoigner sur des questions concernant le terme « bénéficiaire effectif » et sur les questions avec lesquelles les rédacteurs de la convention de l’OCDE se trouvaient aux prises, c'était surtout pour en savoir plus long sur le contexte.

 

[55] Selon M. Lüthi, le terme « bénéficiaire effectif » a été introduit au paragraphe 10(1) de la convention de l’OCDE de 1977 pour exclure expressément des avantages conférés par les traités les intermédiaires — comme les agents et autres mandataires — se trouvant dans des États tiers. Or, le paragraphe 10(1) ne permettait toujours pas de savoir si l’actionnaire avait droit aux avantages offerts par un traité dans les cas où le dividende était reçu par un agent ou autre mandataire et non directement par l’actionnaire. Ce paragraphe a donc été modifié à nouveau en 1995.

 

[56] M. Lüthi n’a pu trouver [TRADUCTION] « aucune trace » des raisons pour lesquelles l’expression « bénéficiaire effectif » avait été retenue dans la convention de l’OCDE de 1977. D’autres termes ont été envisagés, notamment [TRADUCTION] « dernier bénéficiaire ». On voulait que le « bénéficiaire effectif » du revenu qui était résident de l’autre État contractant profite du traité, mais non un agent ou un autre mandataire, qui n’est pas considéré comme le bénéficiaire effectif du revenu.

 

[57] Il n’était pas du tout envisagé qu’une société de portefeuille serait un simple agent ou autre mandataire de ses actionnaires, c’est‑à‑dire que ses actionnaires seraient les bénéficiaires effectifs du revenu de la société de portefeuille. En réalité, une société de portefeuille est le bénéficiaire effectif du dividende qui lui est versé, à moins qu’il n’existe des éléments de preuve solides qui établissent qu’il y a eu évitement fiscal ou recours abusif au traité.

 

[58] Quant aux sociétés relais, soit les sociétés qui agissent comme de simples intermédiaires, M. Lüthi a renvoyé au rapport de 1987 du CAF intitulé « Les conventions préventives de la double imposition et l'utilisation de sociétés relais »[13]. Il a résumé ainsi le rapport du CAF :

 

[TRADUCTION]

 

[…] Selon ce rapport, l’OCDE ne refuse pas à toutes les sociétés relais la qualité de bénéficiaire effectif, car elle dit que « […] Le fait [que la société relais] ait pour objet principal de détenir des actifs ou des droits n'est pas en soi suffisant pour qu'elle soit assimilable à un simple intermédiaire, encore qu'il puisse indiquer qu'un examen plus approfondi s'impose […] ». Par contre, une société relais ne peut pas normalement être considérée comme le bénéficiaire effectif du revenu reçu si elle a des pouvoirs très restreints, si elle exerce de simples fonctions de nature fiduciaire ou administrative et si elle agit pour le compte du bénéficiaire (fort probablement l’actionnaire). De l'avis de l’OCDE, une société de ce genre ne fait que détenir le titre de propriété; elle ne possède aucun des autres attributs économiques, juridiques ou pratiques du droit de propriété. Dans un tel cas, la société, par suite d’un contrat ou de la prise en charge d’obligations, remplira des fonctions analogues à celles d’un agent ou autre mandataire.

 

Suivant l’article 4 du Modèle de convention de l’OCDE, une société relais doit, pour pouvoir se prévaloir des avantages prévus par un traité, être assujettie à l’impôt dans son pays de résidence en raison de son domicile, de l'endroit où se trouve sa direction, etc. En outre, les actifs et les droits donnant lieu au revenu doivent avoir réellement été transférés à la société relais. Dans cette éventualité, la société relais ne peut être considérée comme agissant à titre de simple agent ou autre mandataire en ce qui concerne le revenu reçu.

 

[59] L’intimée a invoqué l’observation de M. Lüthi selon laquelle, en 1977, lorsque les membres de l’OCDE – soit 24 États, dont 18 étaient des pays de droit civil – ont adopté l’expression « bénéficiaire effectif », les pays de droit civil n’ont pas eu l’intention que l’on donne à cette expression le sens qu’il a en equity dans les pays de common law.

 

Analyse

[60] Le terme anglais « beneficial owner » (« bénéficiaire effectif ») n’est pas propre au Traité fiscal; l’avocat de l’appelante m’informe qu’il se trouve dans 85 des 86 traités fiscaux conclus par le Canada. Seul le traité entre le Canada et l’Australie emploie le terme « beneficially entitled » dans sa version anglaise.

 

[61] Il ressort du témoignage du professeur van Weeghel que les Pays‑Bas reconnaissent PHB.V. comme le bénéficiaire effectif des dividendes de Prévost. Le professeur Raas a dit la même chose. L’intimée affirme que Volvo et Henlys sont les bénéficiaires effectifs des dividendes.

 

[62] Les expressions « beneficial owner », « beneficially owned » et « beneficial ownership » se trouvent dans la version anglaise de la Loi[14]. La version française de la Loi emploie l’expression « propriété effective » (par opposition au terme « bénéficiaire effectif » employé dans le Traité fiscal) parfois précédée du verbe « avoir » dans les cas où le contexte l’exige. Cependant, dans la version française du paragraphe 227(4.1) de la Loi, ou il est question de sommes détenues en fiducie, les termes utilisés sont « droit de bénéficiaire », ce qui est tout à fait différent de l’expression « bénéficiaire effectif ». Comme je l’ai déjà mentionné, ces termes ne sont pas définis dans la Loi.

 

[63] L’expression « beneficial owner » n’est pas nouvelle dans la Loi. En effet, avant 1971, le terme figurait notamment à l’article 12A de la Loi[15], lequel visait à restreindre les frais de publicité. La division 12A(5)b)(v)(C) du texte anglais prévoit que « 3/4 of the paid up capital [of a corporation], are beneficially owned by Canadian citizens […] ». La version française de cette disposition de la Loi porte que « les trois quarts du capital versé [d'une société], appartiennent à titre de beneficial interests à des citoyens canadiens […] ».

 

[64] Lorsque les modifications apportées à la Loi sont entrées en vigueur en 1972[16], la version anglaise de l’article 19 (antérieurement l’article 12A) comportait toujours le terme « beneficially owned », mais on a modifié la version française de sorte que le terme « beneficial interests » a été remplacé par l’expression « beneficial ownership ». Le fait que cette terminologie de la common law a été utilisée dans la version française de la Loi indique assez clairement que l’expression « beneficial owner » relève de la common law. Ce n’est qu’en 1992 que les termes anglais ont été supprimés de la version française de la Loi et remplacés par les mots « propriété effective ».

 

[65] L’intimée soutient que les expressions « bénéficiaire effectif » et « beneficial ownership » n’ont, dans le cadre de la Loi, aucune signification susceptible d’être invoquée pour l’application du paragraphe 3(2) du Traité fiscal. Tout d’abord, selon l’intimée, les termes employés dans la Loi ont des significations multiples et souvent inconciliables. L’avocat a renvoyé à une étude réalisée par la professeure Catherine Brown, qui conclut que le terme anglais « beneficial owner » a des sens différents dans la Loi selon la disposition qui est en cause[17]. À titre d’exemple, elle relève au moins quatre catégories de signification pour les expressions « beneficial ownership », « beneficial owner » et « beneficially owned » lorsqu’elles sont utilisées dans le contexte d’une fiducie : a) le propriétaire détient la propriété effective; b) le bénéficiaire est réputé avoir la propriété effective à la suite de décisions fiscales et par l’application de la Loi : de son paragraphe 104(1), par exemple; c) le bénéficiaire a la propriété effective du bien en fiducie d’après les principes de droit privé; d) la fiducie a la propriété du bien en fiducie, par exemple, la fiducie est réputée, aux termes de la Loi, être propriétaire du bien détenu en fiducie. De plus, le terme « beneficial owner » n’est employé dans aucune disposition de la Loi qui touche aux retenues d’impôt applicables aux dividendes, aux intérêts ou aux redevances de source canadienne[18].

 

[66] L’avocat de l’intimée s’appuie sur un article de M. Mark D. Brender pour soutenir qu’il n’y a pas de définition arrêtée de l’expression « beneficial ownership » même en common law, et qu'il y en a encore moins aux fins de l'application de la Loi[19]. D'ailleurs, M. Brender suggère l'utilisation de termes ou de notions neutres en droit civil et en common law à la place des expressions « beneficial owner » ou « beneficial ownership »[20].

 

[67] L’avocat de l’intimée a renvoyé à la CVDT, au Traité fiscal, aux modèles de convention ainsi qu’à la Loi pour proposer la façon dont il convient d'interpréter les termes « bénéficiaire effectif » et « beneficial owner », compte tenu du fait que ceux‑ci ne sont pas définis dans le Traité fiscal, les modèles de convention ou la Loi et qu’ils n’ont aucun sens juridique au Québec, province de droit civil. L’intimée soutient que ces expressions ne devraient pas avoir un sens technique ou juridique, mais devraient plutôt faire l’objet d’une interprétation qui est reconnue à l’échelle internationale.

 

[68] Les termes « bénéficiaire effectif » et « beneficial owner », ainsi que le terme néerlandais uiteindelijk gerechtigde, figurent dans le Traité fiscal et il faut leur donner un sens. Le terme « bénéficiaire effectif » ne se trouve nulle part dans la version française de la Loi. On prétend que cela pourrait restreindre la portée du paragraphe 3(2) du Traité fiscal. Le terme « bénéficiaire effectif » ne figure pas non plus dans le Code civil du Québec. Selon l’avocat de l’intimée, l’emploi, dans le Traité fiscal, de l’expression « bénéficiaire effectif » plutôt que de l’expression « propriétaire effectif », laquelle est utilisée dans la Loi, donne à penser que le législateur fédéral avait l’intention de recourir au droit privé des provinces à titre de complément à la Loi, et que les termes en question ne doivent pas être définis par référence à la common law.

 

[69] L’intimée affirme en outre que, bien qu’il soit question du « beneficial owner of the dividends » dans la version anglaise du Traité fiscal, cette expression n’est jamais employée dans la Loi. La Loi parle du contribuable qui tire un revenu — par exemple, un dividende — d’un bien, et ce revenu est inclus dans le revenu du contribuable pour l’année. Cette expression n’est jamais utilisée relativement au revenu tiré d’un bien. L’avocat de l’intimée soutient que l’expression anglaise « beneficial owner », ou un terme analogue, n’est jamais utilisée dans la Loi dans le même contexte que celui où elle est employée dans le Traité fiscal et le Modèle de convention.

 

[70] L’avocat de l’intimée a affirmé que, pour déterminer le sens d'un terme non défini d'un traité, les tribunaux canadiens se sont appuyés sur le sens qui est pertinent dans le contexte de la disposition fiscale précise à l’égard de laquelle s’applique le traité. Dans l’arrêt Kubicek, succession c. Canada[21], on a donné au terme « gain », qui n’était pas défini dans la Convention entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu, le sens qu'il avait au paragraphe 40(1) de la Loi. Comme elle n’a pu trouver la signification du terme [TRADUCTION] « présent » dans les lois internes des Pays‑Bas, la Hoge Raad[22] a conclu que ce terme figurant dans les traités fiscaux intervenus entre les Pays‑Bas et le Brésil et les Pays‑Bas et le Nigeria devait être interprété en conformité avec les articles 31 et 32 de la CVDT et non avec les dispositions correspondantes du paragraphe 3(2) du Modèle de convention.

 

[71] L’avocat de l’intimée a donc conclu que le terme « beneficial owner » et les termes analogues employés dans la version anglaise de la Loi sont fondés sur des significations formalistes en matière de fiducie qui procèdent de l’equity, et qu’ils ne devraient pas s’appliquer au Traité fiscal. Les expressions « beneficial owner » et « bénéficiaire effectif » n’ont aucune signification dans le contexte de la Loi[23].

 

[72] L’avocat de l’intimée m’a informé que l’expression « beneficial owner » ne figure pas dans les dictionnaires anglais. Évidemment, ces mots s’y trouvent séparément. Dans le Canadian Dictionary of the English Language, le terme « beneficial » est défini principalement comme signifiant [TRADUCTION] « produisant ou promouvant un résultat favorable » ou [TRADUCTION] « recevant ou jouissant du droit de recevoir le produit ou d'autres avantages ». D’après l’avocat, le terme « beneficial » comporte à la fois un sens factuel (« recevoir ») et juridique (« droit de »)[24]. Le Shorter Oxford Dictionary (1973) définit comme suit le terme « beneficial » : [TRADUCTION] « se rapportant ou ayant trait à l’usufruit d’un bien; jouissant de l’usufruit », l’usufruit étant une notion de droit civil. Dans The New Shorter Oxford Dictionary, le terme « beneficial » est défini ainsi : [TRADUCTION] « se rapportant ou ayant trait à la jouissance d’un bien, etc., ou ayant la jouissance d'un bien, etc. »

 

[73] Le Canadian Dictionary définit le terme « own » comme [TRADUCTION] « se rapportant ou appartenant à soi-même », [TRADUCTION] « avoir ou posséder en propriété » et [TRADUCTION] « disposer en maître de ». L’avocat de l’intimée affirme que le terme « own » a aussi une signification factuelle (possession, maîtrise) et juridique (« appartenance »). Le Shorter Oxford donne la définition suivante du terme « own » : [TRADUCTION] « faire sien (une chose) […] avoir ou détenir en propre ». Le mot « owner » s’entend de [TRADUCTION] « qqn qui est propriétaire d’une chose ou qui la détient; qqn qui a un droit ou un titre légitime sur une chose ».

 

[74] Dans l’arrêt Covert, la Cour suprême du Canada a approuvé la définition formulée par le juge Hart, qui a écrit dans la décision MacKeen Estate v. Nova Scotia :

 

[TRADUCTION]

 

Il me semble que le sens courant de l’expression « propriétaire bénéficiaire » est celui de véritable propriétaire ou propriétaire réel du bien. Le bien peut être enregistré à un autre nom ou détenu en fiducie pour le véritable propriétaire, mais le « propriétaire bénéficiaire » est celui qui, en dernier ressort, exerce les droits de propriété sur le bien[25].

 

[75] L’avocat de l’intimée soutient qu’une interprétation textuelle de l’expression anglaise « beneficial owner » permet de dégager comme sens de celle‑ci qu'elle désigne la personne à qui reviennent les attributs habituels de la propriété (possession, usage, risque, maîtrise), et qui, de ce fait, profite en dernier ressort du revenu produit. Le sens ordinaire du terme « bénéficiaire effectif » dans la version française du Traité fiscal, et du terme uiteindelijk gerechtigde, dans la version néerlandaise, présente des caractéristiques communes avec le sens ordinaire du terme anglais « beneficial owner », mais comporte une différence importante.

 

[76] Le terme « bénéficiaire », qui est employé comme substantif dans la version française, est défini de la manière suivante dans les dictionnaires français modernes :

 

Se dit de qqn, d’un groupe qui profite d’un bénéfice, d’un avantage […][26] Personne qui bénéficie (d’un avantage, d’un droit, d’un privilège)[27].

 

[77] Selon l’avocat, le terme « bénéficiaire » est toujours défini comme une personne qui jouit ou tire profit d’un avantage quelconque, y compris un droit ou un privilège. Donc, soutient-il, ce mot n’est manifestement pas un terme technique et ne connote pas, en soi, un droit légal, comme le droit de propriété.

 

[78] Le terme « effectif », par contre, soutient l'avocat, est utilisé comme adjectif dans la version française. Il ajoute que le législateur n’aurait pu employer un terme plus explicite pour désigner une signification factuelle. Ce terme est ainsi défini :

 

1. Se dit de qqch. dont la réalité est incontestable, qui produit un effet réel, tangible […] 2. Se dit de ce qui est une réalité[28].

 

1. Qui se traduit par un effet, par des actes réels. Concret, efficace, réel, tangible, vrai […] Avantage effectif : Certain, concret, positif[29].

 

[79] Le terme « effectif » est défini comme quelque chose de « réel » ou qui « produit un effet réel » ou qui « se traduit par […] des actes réels ». Par conséquent, affirme l’avocat de l’intimée, ce terme est incompatible avec la recherche de droits légaux puisqu’il concerne la réalité et les effets tangibles.

 

[80] Donc, conclut l’avocat de l’intimée, le terme « bénéficiaire effectif » s’entend d’une personne ou d’un groupe de personnes qui jouissent ou profitent réellement et vraiment d’un avantage, quel qu’il soit. Les auteurs ont traduit l’expression « bénéficiaire effectif » par « real beneficiary[30] », ce qui est assez juste dans la mesure où le terme « bénéficiaire » n’est pas compris dans un sens juridique.

 

[81] Dans la version néerlandaise du Traité fiscal, le terme uiteindelijk gerechtigde correspond à l'expression « bénéficiaire effectif ». Ce terme signifie en français « celui qui est, en définitive, titulaire du droit » (en anglais : he who is ultimately entitled). Le professeur van Weeghel dit ce qui suit dans son texte intitulé The Improper Use of Tax Treaties :

 

[TRADUCTION]

 

On ne sait trop pourquoi cette traduction [uiteindelijk gerechtigde] a été retenue. L’expression « beneficial owner » (« celui qui ne détient pas de titre de propriété, mais qui jouit, à l’égard du bien, de droits qui découlent habituellement du fait d’être propriétaire du bien », Black’s Law Dictionary, cinquième édition) a, en néerlandais, un équivalent plus juste, soit « economisch eigenaar », terme dont le sens est également bien établi en droit néerlandais[31].

 

[82] Cependant, comme l’avocat de l’intimée l’a mentionné, le gouvernement du Royaume des Pays‑Bas a choisi d’employer dans le Traité fiscal comme équivalent de l’expression « beneficial owner » un terme dont la traduction, soit « celui qui est, en définitive, titulaire du droit », évoque un examen factuel et un aspect « final » ou « définitif ». À l’instar du texte français, le texte néerlandais ne comporte aucune mention de propriété. L’expression uiteindelijk gerechtigde dans ce contexte est également compatible avec le sens ordinaire qui a été donné à ce terme dans l’arrêt Royal Dutch, précité, sens selon lequel le uiteindelijk gerechtigde d’un dividende est celui qui a [TRADUCTION] « la libre disposition de la somme distribuée », soit la personne qui, en dernier ressort, détient le droit de profiter du revenu[32].

 

[83] L’avocat de l’intimée soutient que le sens courant des expressions « bénéficiaire effectif », « beneficial owner » et « uiteindelijk gerechtigde» dans les trois langues du texte du Traité fiscal ne permet pas de penser qu’il faut donner une signification exclusivement juridique à ces expressions. Il estime que l’expression « bénéficiaire effectif » indique clairement qu'il faut déterminer la véritable relation en cause et est incompatible avec une interprétation formaliste étroite. L’intimée insiste sur le fait que le sens de chacun des termes en question employés dans les trois versions n'admet qu'une interprétation non juridique. L’avocat de l’intimée affirme que la définition du terme en cause doit se fonder sur cet élément commun aux trois versions.

 

[84] Selon l’intimée, il se dégage de la conciliation des trois versions (français, anglais, néerlandais) du Traité fiscal une signification qui appelle un examen au‑delà des relations juridiques afin d’identifier la personne qui, dans les faits, peut en dernière analyse profiter des dividendes. L’intimée s’appuie sur une décision en matière non fiscale rendue par la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, qui avait à interpréter le terme « beneficial ownership » dans le contexte du droit civil indonésien; il s'agit de la décision Indofood International Ltd. v. JP Morgan Chase Bank N.A. London Branch[33].

 

[85] Les faits de l’affaire Indofood sont les suivants. Une société indonésienne, Indofood (la « société mère »), a établi une entité ad hoc mauricienne (l’« émetteur ») pour émettre des billets afin d'obtenir des emprunts (loan notes). Des prêts adossés ont été consentis. Les billets comportaient une clause de majoration et prévoyaient le remboursement anticipé dans l’éventualité où, en raison de modifications touchant l’impôt ou le traité fiscal en question, l’émetteur serait tenu de payer un impôt supplémentaire. Les billets comportaient également une clause obligeant l’émetteur à tenter de réduire au minimum toute dette fiscale supplémentaire en [TRADUCTION] « prenant les mesures raisonnables qu’il lui était possible de prendre » avant de chercher à rembourser les billets. On a structuré le financement en passant par Maurice de façon à pouvoir se prévaloir des taux de retenue d’impôt avantageux prévus dans le traité en matière de double imposition entre l’Indonésie et Maurice. Ce dernier État ne fait aucune retenue d’impôt sur les fonds sortant.

 

[86] Comme il y a eu recours abusif au traité par des sociétés relais, l’Indonésie a mis fin à son traité avec Maurice à partir du 1er janvier 2005, ce qui a fait augmenter à 20 pour 100 le taux de retenue d’impôt applicable aux versements d’intérêts effectués entre la société mère et l’émetteur. En d’autres termes, la majoration n'était plus de 10 pour 100, mais passait au taux de 20 pour 100 applicable selon le droit interne indonésien. Depuis l’émission des billets en 2002, les taux d’intérêt et les taux de change avaient cessé d’être favorables à la société mère et étaient devenus avantageux pour les détenteurs des billets. La société mère a donc tenté de rembourser les billets et d’obtenir un nouveau financement moins coûteux. Cependant, JP Morgan Chase (la « défenderesse »), agissant à titre de fiduciaire pour les détenteurs des billets, n’était pas convaincue qu'on avait respecté la clause relative à la prise de mesures raisonnables pour réduire l'impôt à payer, et elle a fait valoir qu’Indofood aurait pu faire s'interposer dans la structure qu'elle avait établie une entité néerlandaise (« nouvelle société ») pour se prévaloir des taux plus avantageux prévus par la convention en matière de double imposition entre les Pays‑Bas et l’Indonésie. La défenderesse a donc refusé d’approuver le remboursement.

 

[87] La principale question de fond en litige en première instance était de savoir si, pour l’application du taux réduit de retenue d’impôt prévu à l’article 11 de la convention fiscale entre l’Indonésie et les Pays‑Bas, la nouvelle société serait le bénéficiaire effectif des intérêts que la société mère devait lui payer.

 

[88] Le juge Evans‑Lombe de la Haute Cour[34] a en grande partie donné raison à la défenderesse et a conclu que la nouvelle société serait le bénéficiaire effectif des intérêts versés par la société mère. En particulier, il a signalé ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

De toute évidence, la nouvelle société, tout comme l’émetteur, ne sera pas un agent ou autre mandataire pour quelque autre partie que ce soit et, comme elle n’agit nullement à titre de fiduciaire, elle aura le pouvoir, lorsqu'elle les recevra, de disposer des intérêts selon son bon vouloir, même si elle sera tenue de par son obligation contractuelle envers l’émetteur, d’appliquer le produit des versements d’intérêt à l’exécution de cette obligation[35].

 

[89] Le juge Evans‑Lombe a tranché la question de la propriété effective en faisant état des droits des créanciers dans l’éventualité de l’insolvabilité de la nouvelle société :

 

[TRADUCTION]

 

Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’en l’absence d’une relation de fiduciaire entre la nouvelle société et l’émetteur, les intérêts non distribués reçus de la société mère garante constitueraient, advenant l’insolvabilité de la nouvelle société, un actif de celle‑ci susceptible de distribution parmi ses créanciers en général, y compris l’émetteur, proportionnellement[36].

 

[90] Indofood a interjeté appel à la Cour d’appel tandis que la défenderesse, JP Morgan, a interjeté un appel incident visant le point qui n’avait pas été tranché en sa faveur. La Cour d’appel, statuant à l’unanimité en faveur d’Indofood, a conclu que l’émetteur n’était pas le bénéficiaire effectif et que la nouvelle société, si on la faisait s'interposer, ne pourrait, ni aux fins de l’application du paragraphe 11(2) du traité fiscal entre l’Indonésie et Maurice ni aux fins de l'application de la convention fiscale entre l’Indonésie et les Pays‑Bas, être le bénéficiaire effectif des intérêts reçus de la société mère.

 

[91] Sur la question de savoir si la nouvelle société serait le bénéficiaire effectif des intérêts, Sir Andrew Morritt a tenu les propos suivants :

 

[TRADUCTION]

 

Le fait que ni l’émetteur ni la nouvelle société n’était ni ne serait un fiduciaire ou un agent ou autre mandataire des détenteurs des billets ou de qui que ce soit d’autre relativement aux intérêts à recevoir de la société mère garante n’est nullement concluant, pas plus que ne l’est le fait que les détenteurs des billets n’ont aucun droit à une sûreté à l’égard des intérêts à recevoir de la société mère garante ni aucun droit d’exiger ces intérêts. Les passages tirés des commentaires de l’OCDE et les observations formulées par le professeur Baker sur ce point montrent qu’il faut donner au terme « bénéficiaire effectif » un sens fiscal international qui ne procède pas des lois internes des États contractants. Comme il ressort de ces commentaires et observations, la notion de propriété effective est incompatible avec la situation du propriétaire nominal, qui ne jouit pas « du plein privilège de pouvoir bénéficier directement du revenu[37] ».

 

[92] Il ajoute :

 

[TRADUCTION]

 

La structure juridique, commerciale et pratique sous‑jacente aux billets émis pour obtenir des emprunts est inconciliable avec l’idée que l’émetteur ou la nouvelle société, si on la faisait s'interposer, pourrait jouir d’un tel privilège. Selon la structure juridique mise en place, la société mère garante est tenue, deux jours ouvrables avant la date d’échéance, de verser les intérêts au crédit d’un compte désigné à cette fin par l’émetteur. L’émetteur est tenu, un jour ouvrable avant la date d’échéance, de verser les intérêts dus aux détenteurs des billets au compte désigné par le domiciliataire principal. Enfin, le domiciliataire principal est tenu de payer les détenteurs des billets à la date d’échéance[38].

 

[…]

 

Mais la signification qu’il faut donner à l’expression « bénéficiaire effectif » ne doit manifestement pas être restreinte par une approche aussi technique et juridique. Il faut tenir compte du fond de la question. Tant sur le plan commercial que sur le plan pratique, l’émetteur est, et la nouvelle société serait, obligé de remettre au domiciliataire principal les sommes reçues de la société mère garante. Voilà qui est d’ailleurs confirmé par ce qui se passe en fait actuellement, selon ce qu’on nous a dit, et dont il est fait état plus haut au paragraphe 13. La société mère garante doit faire en sorte que cet arrangement se poursuive, faute de quoi elle pourrait être tenue de payer à nouveau en vertu de sa garantie envers les détenteurs des billets énoncée dans l’acte de fiducie. En pratique, il est impossible de concevoir une situation dans laquelle l’émetteur ou la nouvelle société pourrait profiter directement des intérêts payables par la société mère garante, mis à part celle où l'un ou l'autre s'en servirait pour s'acquitter de son obligation envers le domiciliataire principal ou l’émetteur, selon le cas. Une exception de cette nature peut difficilement être assimilée au « plein privilège » nécessaire à l'existence du statut de bénéficiaire effectif; la situation de l’émetteur et de la nouvelle société s’apparente plutôt à celle d’« administrateur du revenu ».

 

[93] La décision Indofood contredit dans une certaine mesure le point de vue du gouvernement néerlandais et celui exprimé par la Hoge Raad dans la décision Royal Dutch, précitée, voulant que ce soit uniquement s’il a l'obligation contractuelle de payer la plus grande partie du revenu à un tiers que le destinataire n'est pas le bénéficiaire effectif du revenu[39]. Dans la décision Indofood, la Cour d’appel a fondé son raisonnement non pas sur l’obligation contractuelle d'acheminer les intérêts, mais plutôt sur la situation du destinataire : jouissait-il du « plein privilège » de bénéficier des intérêts ou agissait-il simplement à titre d’« administrateur du revenu »?

 

[94] Les parties conviennent que PHB.V. n’était pas un agent, ni un fiduciaire, ni un autre mandataire de Volvo et de Henlys. L’intimée estime plutôt que PHB.V. agissait comme simple relais ou intermédiaire pour le compte de Volvo et de Henlys lorsqu’elle recevait des dividendes de Prévost.

 

[95] On me demande de me prononcer sur la signification des termes « bénéficiaire effectif » et « beneficial owner » (et leur équivalent néerlandais) employés au paragraphe 10(2) du Traité fiscal. Le paragraphe 3(2) de ce traité m’oblige à envisager une solution nationale à l’interprétation du terme « bénéficiaire effectif ». Les commentaires de l’OCDE relatifs au paragraphe 10(2) du Modèle de convention de 1977 sont également pertinents.

 

[96] Le commentaire visant le paragraphe 10(2) du Modèle de convention précise qu’il faut chercher au‑delà des « agents ou autres mandataires » pour décider qui est le bénéficiaire effectif. En outre, une société « relais » n’est pas un bénéficiaire effectif. Dans ces trois exemples, la personne en cause – agent, mandataire ou société relais – ne possède jamais l’un ou l’autre des attributs de la propriété du dividende. Le « bénéficiaire effectif » est quelqu’un d’autre.

 

[97] Je veux donner un très bref exemple d’une notion de droit civil qui a une incidence sur le droit de propriété sur un bien. L’article 908 du Code civil du Québec prévoit que les biens peuvent, suivant leurs rapports entre eux, se diviser en capitaux et en fruits et revenus. L’article 947 du Code civil accorde au propriétaire du bien le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement de celui‑ci. Il s’agit là de droits qui, en common law, appartiennent au bénéficiaire effectif du bien. En droit civil, une personne peut être nue‑propriétaire du bien, mais une autre, appelée usufruitier, peut user et jouir du bien, et l’usufruitier est lui-même propriétaire de l’usufruit, sous réserve de l’obligation de conserver la substance du bien : article 1120, Code civil. L’usufruitier reçoit le revenu produit par le bien à titre de propriétaire de ce revenu. Il n’a pas de compte à rendre au nu‑propriétaire à l'égard de quelque revenu que ce soit. Cette personne se trouve dans une situation analogue à celle du « bénéficiaire effectif » du revenu en common law. Lorsque le bien est détenu par un agent, un fiduciaire ou un autre mandataire dans un ressort de droit civil ou de common law, cette personne reconnaît le fait qu’elle n’est pas le véritable propriétaire du bien.

 

[98] En common law, un fiduciaire, par exemple, détient le bien au bénéfice d’un tiers[40]. Il est, juridiquement, le propriétaire du bien, mais les attributs de la propriété, à savoir la possession, l’usage, le risque et la maîtrise, n'appartiennent pas à lui personnellement. Le fiduciaire détient le bien pour le compte d’un tiers et c’est ce tiers, au bout du compte, qui a l’usage et la maîtrise du bien et qui assume le risque y afférent. De plus, en common law, une personne peut avoir un intérêt viager dans un bien, et une autre peut détenir un intérêt résiduel dans le même bien. Le détenteur de l’intérêt viager reçoit le revenu généré par le bien et ce revenu lui appartient; le détenteur de l’intérêt résiduel est propriétaire du capital. Contrairement à ce qui se passe en droit civil, il n’y a pas de démembrement du droit de propriété en common law. Le terme anglais « beneficial » établit une distinction entre le véritable propriétaire, ou le propriétaire économique, du bien et celui qui est simplement propriétaire en common law et qui détient la propriété du bien au bénéfice d’un tiers, à savoir le bénéficiaire effectif.

 

[99] Tant en common law qu’en droit civil, les personnes qui, en dernier ressort, reçoivent le revenu sont les propriétaires du bien que constitue ce revenu. Il se peut fort bien que, comme le soutient l’avocat de l’intimée, lorsque les expressions « beneficial owner », « beneficially owned » ou « beneficial ownership » sont employées dans la version anglaise de la Loi, ce soit relativement à un bien, comme des actions ou un autre bien quelconque, mais jamais relativement au revenu tiré du bien, c.‑à‑d. les dividendes versés à l'égard d'actions. Cependant, les dividendes, qu’il s’agisse d’espèces ou d’autre chose, sont en soi également un bien et appartiennent à quelqu’un. Selon l’article 12 de la Loi, il faut inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable le revenu qu’il tire d’un bien, au cours d’une année d’imposition, y compris les sommes reçues au titre de dividendes pendant l’année. Le contribuable tenu d’inclure le montant des dividendes dans son revenu est habituellement la personne qui est le propriétaire – le bénéficiaire effectif – du dividende, sauf, par exemple, dans le cas où une autre personne est réputée, selon la Loi, avoir reçu le dividende ou dans le cas où la Loi exige qu’une fiducie inclue le dividende dans son revenu[41]. L’emploi de l’expression « bénéficiaire effectif », dans son sens courant, par rapport à des dividendes n’a rien d’insolite.

 

[100] À mon avis, le « bénéficiaire effectif » du dividende est la personne qui le reçoit pour son propre usage et sa propre jouissance, qui assume les risques liés au dividende et qui dispose en maître du dividende. La personne qui est le bénéficiaire effectif du dividende est celle à qui reviennent tous les attributs du droit de propriété. Bref, le dividende profite à son propriétaire lui-même, et cette personne n’a aucun compte à rendre à qui que ce soit sur ce qu’elle fait du revenu de dividende. Lorsque la Cour suprême du Canada a dit, dans l’arrêt Covert[42], que le « propriétaire bénéficiaire » est celui qui, « en dernier ressort », exerce les droits de propriété sur le bien, je suis persuadé qu’elle n’avait pas l’intention, en employant l’expression « en dernier ressort », d’écarter le voile de la personnalité juridique de sorte que les actionnaires de la société soient les bénéficiaires effectifs des actifs de celle‑ci, y compris le revenu gagné par elle[43]. L’expression « en dernier ressort » se rapporte au destinataire du dividende, qui en est le véritable propriétaire, soit la personne qui pourrait en faire ce que bon lui semble. C’est le véritable propriétaire du bien qui en est le bénéficiaire effectif. Lorsqu’il existe un mandat ou encore lorsque le bien est détenu par un prête‑nom, on cherche à déterminer pour le compte de qui agit l’agent ou le mandataire ou au profit de qui le prête‑nom a prêté son nom. Lorsqu’une personne morale est en cause, il n’y a pas lieu de soulever le voile de la personnalité juridique, à moins que la société ne serve de relais pour une autre personne et qu'elle n'ait absolument aucune latitude quant à l’usage ou à l’affectation des fonds qui passent par elle en sa qualité de relais, ou qu’elle ne se soit engagée à agir pour le compte d’un tiers et conformément aux instructions de ce dernier, sans avoir aucun droit de faire autre chose que ce que ce tiers lui dit, comme dans le cas d’un courtier en valeurs mobilières, qui est le propriétaire inscrit des actions qu’il détient pour le compte de clients. La relation qui existe entre PHB.V. et ses actionnaires est d’une autre nature.

 

[101] La présente affaire intéresse une société canadienne, Prévost, qui verse des dividendes à son unique actionnaire, PHB.V., une société néerlandaise. Certains éléments de preuve indiquent que, dans le registre des procès‑verbaux de Prévost, Henlys et Volvo sont mentionnées comme les actionnaires de cette société; et on rapporte que Mme Bissonnette a dit plus d'une fois que Henlys voulait ses dividendes. Ces erreurs ne sont pas fatales à la cause de l’appelante. Il arrive que les registres des procès‑verbaux contiennent des erreurs. Et il n’est pas rare que les dirigeants d’une société, plutôt que ses actionnaires, soient erronément qualifiés de propriétaires de la société.

 

[102] Il n'y a aucune preuve établissant que PHB.V. servait de société relais pour Volvo et Henlys. Certes, PHB.V. n’avait aucun bureau ni des employés aux Pays‑Bas ou ailleurs. Elle a en outre confié à TIM le mandat de s’occuper de ses affaires et de verser en son nom des dividendes provisoires à Volvo et à Henlys. Cependant, aucun élément de preuve n’établit que les dividendes de Prévost étaient dès le début destinés à Volvo et à Henlys et que PHB.V. servait de relais pour les dividendes provenant de Prévost. Il ressort des états financiers de PHB.V. pour les exercices se terminant le 31 décembre de chacune des années 1995, 1996 et 1997, d’une part, et des copies des déclarations de revenus de société de PHB.V. pour les années 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, d’autre part, que PHB.V. possédait des actifs et avait des dettes. Pour que Volvo et Henlys obtiennent des dividendes, les administrateurs de PHB.V. devaient déclarer des dividendes provisoires, puis les actionnaires devaient approuver ces dividendes. Il n’y avait pas de mouvements de fonds préétablis ou automatiques vers Volvo et Henlys même si les représentants de Henlys tentaient d’accélérer le processus.

 

[103] PHB.V. était une entité d’origine législative qui se livrait à des activités commerciales conformément au droit néerlandais, sous le régime duquel elle avait été constituée. PHB.V. n’était pas partie à la convention d’actionnaires; et ni Henlys ni Volvo ne pouvait intenter une procédure contre PHB.V. si cette dernière omettait de suivre la politique relative aux dividendes énoncée dans la convention d’actionnaires. Henlys aurait pu avoir une cause d’action contre Volvo, et Volvo une cause d’action contre Henlys, en vertu de la convention d’actionnaire si la politique relative aux dividendes n’avait pas été respectée. Mais ni l’une ni l’autre n'aurait pu, en droit, intenter valablement une action fondée sur la convention d’actionnaires contre une personne qui n’était pas partie à cette convention, à savoir PHB.V. Bien sûr, Volvo et Henlys auraient pu poursuivre PHB.V. si cette dernière ne remboursait pas des sommes qu’elles lui avaient avancées à titre de prêts, mais elles auraient agi alors à titre de créancières, et non d’actionnaires, de PHB.V.

 

[104] L’article 24 de l’acte constitutif de PHB.V. n’oblige nullement celle‑ci à verser des dividendes à ses actionnaires. Les administrateurs de PHB.V. doivent dûment respecter les dispositions de la convention d’actionnaires relatives à la mise en réserve d’une partie des bénéfices accumulés. Le paragraphe 2 de l’article 24 de l’acte constitutif prévoit que les bénéfices qui restent une fois cette réserve constituée doivent être mis à la disposition de l’assemblée générale[44]. Je ne puis trouver aucune obligation juridique incombant à PHB.V. de verser des dividendes à ses actionnaires selon des modalités établies par la convention d’actionnaires. Lorsqu’elle décide de verser des dividendes, PHB.V. doit les payer conformément au droit néerlandais.

 

[105] PHB.V. était la détentrice inscrite des actions de Prévost. Elle a payé pour les actions. Elle détenait les actions pour elle-même. Lorsqu’elle reçoit des dividendes au titre des actions qu’elle détient, ces dividendes lui appartiennent. Jusqu’à ce que le conseil de gestion déclare un dividende provisoire et que le dividende soit approuvé par les actionnaires, les fonds que représente le dividende continuent d’appartenir à PHB.V. et sont sa propriété exclusive. Les dividendes constituent un actif de PHB.V. et peuvent être saisis par ses créanciers, le cas échéant. Personne d'autre que PHB.V. ne détient un intérêt dans les dividendes reçus de Prévost. PHB.V. peut utiliser les dividendes comme bon lui semble et elle n’a pas à rendre compte à ses actionnaires, si ce n'est en vertu des lois néerlandaises. Volvo et Henlys n’ont que le droit de recevoir les dividendes qui sont régulièrement déclarés et versés par PHB.V. elle‑même, malgré le fait que le versement des dividendes avait, par procuration, été confié à TIM. À mon sens, les sommes payées par PHB.V. à Henlys et à Volvo avant qu’un dividende n’ait été régulièrement déclaré et versé constituaient un prêt de PHB.V. à ses actionnaires. Cette situation non plus n’est pas rare. Il existe au Canada une pratique selon laquelle les sociétés avancent des fonds à leurs actionnaires sans déclarer de dividende. À la fin de l’exercice, les administrateurs de la société déterminent, par les résolutions appropriées, si les fonds continueront d’être un prêt ou s’ils feront l’objet d’un « rajustement » pour les transformer en dividende. Cette pratique, si je comprends bien, est acceptée par le fisc.

 

Question accessoire

 

[106] Dans son avis d’appel modifié relatif aux cotisations établies en 2000 et en 2001, l’appelante prétend que, pendant tout le processus de cotisation, les actes du ministre ont irrégulièrement privé PHB.V. de droits que lui confère l’article 25 de la Convention fiscale entre le Canada et les Pays‑Bas. L’appelante reproche au ministre d’avoir ratifié les cotisations en cause même si le gouvernement néerlandais, à la demande de PHB.V., avait entrepris un processus d'examen par l’autorité compétente en vertu du Traité fiscal. Elle lui reproche également de n'avoir changé d'attitude qu'après qu’elle et PHB.V. eurent intenté des poursuites devant la Section de première instance de la Cour fédérale. L’appelante soutient que le ministre a agi contrairement aux obligations qui incombent au Canada aux termes du Traité fiscal et contrairement à sa propre position qu'il a publiée à cet égard[45]. L’appelante se plaint en outre du fait que le ministre a unilatéralement mis fin au processus d'examen par l’autorité compétente et qu’il n’a pas agi de bonne foi pour tenter d’en arriver à une position satisfaisante conformément au Traité fiscal. Selon l’appelante, le ministre et l’administration fiscale néerlandaise n’étaient apparemment pas d'accord sur l’interprétation des dispositions applicables du Traité fiscal, et le ministre n’a pas pris en compte la position du gouvernement néerlandais.

 

[107] Donc, l’appelante fait valoir que les actes du ministre ont irrégulièrement privé PHB.V. de droits que lui confère l’article 25 du Traité fiscal, et que la Cour a, en conséquence, compétence pour radier la réponse du ministre. L’avocat de l’appelante a déposé des documents produits par l’appelante et PHB.V. devant la Cour fédérale par l’intermédiaire de M. Backstrom. Ces documents comprennent : a) une demande visant à obtenir un bref de mandamus enjoignant à l’administration fiscale de s’efforcer de régler de bonne foi, au moyen d’ententes réciproques, les difficultés ou les doutes opposant l’autorité compétente du Canada et celle des Pays‑Bas quant à l’interprétation ou à l’application du Traité fiscal dans le contexte de la question soulevée dans les cotisations; b) une demande visant à obtenir une ordonnance interlocutoire interdisant à l’administration fiscale canadienne, en attendant l’audition de la demande, de prendre une décision quelconque concernant les cotisations ou de les ratifier. L’appelante, PHB.V. et la Couronne ont fini par régler leur différend, et la demande présentée à la Cour fédérale a été retirée.

 

[108] La réponse du ministre ne sera pas radiée. PHB.V., l’entité qui se prétend lésée, n’est pas partie au litige dont je suis saisi. L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt porte que la Cour a « […] compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels […] sur les questions découlant de l’application de la […] Loi de l’impôt sur le revenu […] ». Selon le paragraphe 169(1) de la Loi, seules les personnes qui ont été avisées de l’établissement d’une cotisation ou qui ont produit un avis d’opposition en vertu de l’article 165 de la Loi peuvent interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt. Quiconque n'est pas un appelant n'a pas qualité pour agir devant la Cour, sauf dans des circonstances exceptionnelles, et même dans ce cas il faut obtenir l’autorisation de la Cour.

 

[109] Ce qui intéresse la Cour de l’impôt, c'est de savoir si la cotisation est exacte ou non. Si une personne estime avoir subi un préjudice par suite des actes du ministre dans le cadre de l’application de la Loi, elle peut s’adresser à la Cour fédérale. L’article 53 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) dispose que la Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, au motif que l'acte ou le document peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel, qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire ou qu’il constitue un recours abusif à la Cour. La preuve présentée devant moi n’établit pas l'existence d'un tel motif justifiant la radiation, en tout ou en partie, de la réponse du ministre.

 

Jugement

 

[110] Les cotisations seront annulées. Volvo et Henlys n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes versés par Prévost. Je ne dispose d’aucun élément de preuve susceptible de me convaincre que PHB.V. agissait comme relais pour le compte de Volvo et de Henlys. Les appels sont accueillis, avec dépens. À la fin de l’audience, l’avocat de l’appelante a demandé que des observations relatives aux dépens soient présentées après le dépôt des présents motifs. Si l’un ou l’autre des avocats souhaite toujours formuler des observations, il devra communiquer avec le greffier de la Cour pour lui faire savoir si lui et
l’avocat de la partie adverse veulent présenter des observations orales ou des observations écrites et pour proposer des délais dans lesquels ce sera fait.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2008.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de juillet 2008.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


 

 

RÉFÉRENCE : 2008CCI231

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR : 2004-2006(IT)G et 2004-4226(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE : Prévost Car Inc. c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE : Les 4, 5, 6 et 7 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L’honorable Gerald J. Rip,

juge en chef adjoint

 

DATE DU JUGEMENT : Le 22 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me William I. Innes, Me Chia‑yi Chua et MMatthew Peters

Avocats de l’intimée :

Me Roger Leclaire, Me Ifeanyi Nwachukwu et Me Daniel Bourgeois

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Cabinet : Fraser Milner Casgrain, LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée : John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Convention entre le Canada et le Royaume des Pays‑Bas en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu.

[2] Il y a quatre avis de cotisation datés du 13 juillet 2000 et un avis de cotisation daté du 29 août 2001. Ils visent respectivement des dividendes versés en 1996, en 1997, en 1998, en 1999 et en 2001. Les trois avis de cotisation datés du 15 avril 2004 portent sur des dividendes versés en 1998, en 1999 et en 2001. L’appelante a produit deux avis d’appel. Le premier concerne les cotisations établies en 2000 et en 2001 tandis que le second vise les cotisations établies en 2004.

[3] Ce taux était de 6 pour 100 en 1996.

[4] Si je comprends bien, selon le droit des sociétés néerlandais, les statuts d'une société peuvent autoriser les administrateurs à déclarer un dividende provisoire, lequel est subséquemment confirmé par les actionnaires à titre de dividende définitif. Voir le témoignage du professeur Raas, au paragr. 48c).

[5] Le paragr. 10(2) du Modèle de convention a été modifié en 1995. Voir le paragr. 33 des présents motifs.

 

[6] a) 5 pour cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes) qui détient directement au moins 25 pour cent du capital de la société qui paie les dividendes;

 

b) 15 pour cent du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas.

a) 5 per cent of the gross amount of the dividends if the beneficial owner is a company (other than a partnership), that holds directly at least 25 per cent of the capital of the company paying the dividends;

 

 

b) 15 per cent of the gross amount of the dividends in all other cases.

 

[7] Voir les paragr. 62 à 64 ci‑dessous.

[8] L.R., 1985, ch. I‑4. Ci‑après la « LICMIR ».

[9] Gladden Estate v. The Queen, [1985] 1 C.T.C. 163.

[10] Crown Forest Industries v. The Queen, [1955] S.C.R. 802.

[11] 6 avril 1994, BNB 1994/217, parfois appelée la décision Royal Dutch.

[12] L’« exemption au titre de la participation » soustrait l’entité imposée aux Pays‑Bas à l’impôt sur les bénéfices, y compris les dividendes.

[13] Le rapport sur les sociétés relais qu'a produit un groupe de travail de l’OCDE et qu'a adopté le Conseil de l’OCDE le 27 novembre 1986 établit une distinction entre deux sortes de sociétés relais, soit les sociétés qui servent de relais direct et celles qui servent de « tremplin »; les premières sont celles qui nous intéressent ici et elles sont décrites de la façon suivante :

 

1. Relais direct

Une société résidente de l’État A reçoit de l’État B des dividendes, intérêts ou redevances. En vertu de la convention fiscale signée entre l’État A et l’État B, la société demande à l'Etat B une exonération totale ou partielle de la retenue à la source opérée par cet État. Or la société appartient entièrement à un résident d’un État tiers qui ne peut bénéficier des dispositions de la convention signée entre les États A et B; elle a été constituée à seule fin de profiter des avantages prévus par cette convention et, dans ce but, les actifs et droits générateurs des dividendes, intérêts ou redevances lui ont été transférés. Dans le cas de dividendes, le revenu est exonéré d’impôt dans l’État A en vertu du régime des sociétés mères et filiales prévu par la législation interne de l’État A ou par la Convention entre l’État A et l’État B.

[14] Le terme « beneficial owner » se trouve dans la définition de l'expression « property held » dans la version anglaise de l’art. 146.3. Le terme « beneficially owned » est employé aux paragr. 19(5), 85.1(2) et (6), 87(9), 115.2(2) et (3), 138(8), 227(4.1) et 248(3), et le terme « beneficial ownership » est utilisé aux paragr. 69(1), 73(1.02), 79(2), 79.1(2), 104(4), 107.4(1), 122(2), 138(11.93), 248(1) et 248(25.2). Voir aussi les paragr. 201(3) et 1104(2) et l’art. 500 du Règlement ainsi que le paragr. 59(2) des Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu.

[15] S.R.C. (1952), ch. 148.

[16] S.C. 1970-71-72, ch. 63. Les termes en italique au paragr. 64 figuraient dans les versions françaises de la Loi.

[17] « Symposium : Propriété effective et Loi de l’impôt sur le revenu », (2003) 51 Revue fiscale canadienne, no 1, p. 480 à 484. Voir aussi les p. 467 et 512, entre autres.

[18] Art. 212 de la Loi.

[19] « Symposium : Propriété effective dans la législation fiscale canadienne : Réforme nécessaire et incidences sur l'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil du Québec », (2003) 51 Revue fiscale canadienne, no 1, p.359 à 363.

[20] Ibid., p. 42 et 43.

[21] [1997] A.C.F. no 1249 (QL), 97 DTC 5454 (C.A.F.), paragr. 8. Voir aussi Hinkley v. M.N.R., 91 DTC 1336 (C.C.I.), p. 1340.

[22] Hoge Raad, 21 février 2003, affaire no 37,011, BNB 2003/177c; Hoge Raad, 21 février 2003, affaire no 37,024, BNB 2003/178c, auxquelles renvoie Michael N. Kandev dans son article intitulé « Tax Treaty Interpretation: Determining Domestic Meaning Under Article 3(2) of the OECD Model », Revue fiscale canadienne, (2007) vol. 55, no 1, p. 31, note 115.

[23] Dans ses observations, l’avocat de l’intimée renvoie également à la politique du ministère de la Justice sur le bijuridisme législatif, dont la substance est énoncée dans le préambule de la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2001, ch. 4.

[24] Canadian Dictionary of the English Language, International Thomson Publishing, 1997; voir aussi Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, Merriam-Webster, 1989 et le Shorter Oxford English Dictionary, Oxford University Press, 1973.

[25] Covert c. Nouvelle-Écosse (ministre des Finances), [1980] A.C.S. no 101 (QL), par.20, [1980] 2 R.C.S. 774, p. 784, renvoyant à MacKeen Estate v. Minister of Finance of Nova Scotia, (1977), 36 A.P.R. 572, [1977] C.T.C. 230 (C.S. N.‑É.), p. 247.

[26] Grand Larousse Universel, Paris, Larousse, 1997, p. 1167.

[27] Le Grand Robert de la langue française, deuxième édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, p. 1336.

[28] Grand Larousse Universel, précité.

[29] Le Grand Robert de la langue française, précité.

[30] Du Toit, Charl P., Beneficial Ownership of Royalties in Bilateral Tax Treaties, IBFD Publications, 1999, p. 165.

[31] The Improper Use of Tax Treaties, La Haye, Kluwer Law International, 1998, p. 73, note 131.

[32] Cité par van Weeghel dans Improper Use of Tax Treaties, précité, p. 75 à 77.

[33] [2006] EWCA Civ 158, S.T.L. 1195. Je signale en outre que la Cour d’appel a tenu compte du fond plutôt que de la forme, comme l’exige le droit indonésien (paragr. 18 et 24).

[34] [2005] EWHC 2103 (Ch.).

[35] Ibid., paragr. 46.

[36] Ibid., paragr. 49.

[37] Précité, note 33, paragr. 42.

[38] Ibid., paragr. 43.

[39] Dans son rapport, le professeur van Weeghel cite certains propos tenus par le sous‑ministre des Finances des Pays‑Bas dans une note de service que le ministère des Finances a adressée au comité des Finances du parlement néerlandais pendant la session 1987‑1988.

[40] Le Code civil du Québec reconnaît les fiducies : articles 1260 à 1298.

[41] Par exemple, paragr. 82(3), sous‑al. 82(1)(a)(i.1). Il est question de dividendes imposables.

[42] Précité, p. 784.

[43] Voir, par exemple, Radwell Securities, Ltd. v. Inland Revenue Commissioners, [1968] 1 All E.R. 257.

[44] L’expression [TRADUCTION] « assemblée générale » est définie dans l’acte constitutif comme [TRADUCTION] « [l'] organe de la société que composent les actionnaires ». [TRADUCTION] « [L']assemblée générale des actionnaires » constitue [TRADUCTION] « [l'] assemblée des actionnaires ». Le [TRADUCTION] « conseil de gestion » correspond à ce qu’on appelle au Canada le conseil d’administration.

[45] Article 25 du Traité, Circulaire d’information 71‑17R5 [ébauche, 2003] et Circulaire d’information 71‑17R4, datée du 12 mai 1995.

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